La médaille de Verdun à titre posthume pour un poilu jaujacquois
Dominique Vidal, résidant à Biviers, dans la banlieue de Grenoble est un descendant des familles Chabert et Bardine de Jaujac. Il a effectué des recherches sur ses ancêtres et notamment sur Camille Chabert et sa vie de soldat.
En cette période de commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale et à l’approche du 11 novembre, il nous propose un article que vous trouverez ci-dessous.
Un poilu de Jaujac, Camille Chabert, reçoit en 2016 la médaille de Verdun, 100 ans après sa participation aux combats de la Grande Guerre.
Né à Jaujac, le 18 avril 1875, Camille Joseph Chabert est le fils de Jean Auguste Chabert et de Céline Berger qui tenaient le café Chabert sur l’avenue du Champ de Mars.
Il s'est engagé dans l'armée de terre à 20 ans. Incorporé à Pont-Saint-Esprit, il est d’abord affecté à Toulon à la 5e compagnie d’ouvriers d’artillerie de marine ; il passe ensuite au 159e régiment d’infanterie où il sera sergent fourrier puis sergent-major. Camille a déjà accompli 18 ans d'armée lorsque la guerre de 1914 éclate. Le 2 août 1914 il est nommé au grade d'adjudant au 24e régiment d'infanterie de ligne qui va participer à la bataille de Charleroi puis à celle de la Marne.
La guerre est terrible dans l'infanterie qui perd de nombreux soldats, sous-officiers et officiers qu’il faut remplacer. Aussi le 6 décembre 1915 il est nommé sous-lieutenant à titre temporaire. En février 1916 le 24e R.I. se trouve dans la Somme où il subit une attaque par les gaz, puis il est envoyé à Verdun en avril. Camille sera gazé mais sans trop de séquelles pulmonaires. Dans la nuit du 7 au 8 avril le 24e R.I. relève à Verdun le 158e R.I. Dès les premiers jours, les pertes sont des plus lourdes ; un bombardement terrible écrase les sections dans les trous d'obus où elles se réfugient. Le sous-lieutenant Chabert conduit sa section avec bravoure. Cette action d'éclat lui vaudra une citation à l'ordre de la 6ème division d'infanterie, avec attribution de la croix de guerre.
Citation n°140 du 24 avril 1916 :
« A, par son calme et son sang-froid, maintenu sa section sous un violent bombardement qui précédait une attaque allemande d’infanterie, les 9 et 10 avril 1916 à Verdun (Étang de Vaux). »
Quelques semaines plus tard, à partir du 25 mai, la division occupe le secteur face à Douaumont que l'ennemi vient de reprendre. Le 24e R.I. a la garde du bois de la Caillette tout entier. Le secteur est des plus durs, pas d'eau, pas de tranchées, peu ou pas d'abris, bombardement d'une intensité inouïe qui décime rapidement les unités. Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, après cinq jours d'un bombardement dont la violence ne cesse de s'accroître, 1200 combattants environ sont morts ou évacués. Dans ce charnier, certaines compagnies ne comptent plus que 40 combattants disséminés dans quelques trous d'obus plus profonds que les autres, et, à 7 heures du matin, il n'y a plus qu'une mitrailleuse en état de tirer.
Le sous-lieutenant Camille Chabert est porté disparu au bois de la Caillette, à Verdun, le 1er juin 1916. En fait il a été blessé par un shrapnel avec plaies sur la partie postérieure de la tête, et il a été fait prisonnier et envoyé au camp de Grafenwöhr, en Bavière.
Libéré le 11 novembre 1918, il est rapatrié en France le 19 décembre 1918. Après la guerre il a habité Neuilly, Saint-Mandé, Nyons, Saint-Jean-le-Centenier, Toulon, Sausset-les-Pins. Il était chevalier de la légion d’honneur, titulaire de la médaille militaire, de la croix de guerre, de la croix du combattant, de la médaille interalliés et de la médaille commémorative de la guerre 14-18. Il est décédé à Toulon le 15 mai 1956.
Il racontait lui-même à ces petits-neveux qu'il avait été enseveli vivant par un obus puis déterré par un autre. Marié avec Gabrielle Mary à Neuilly-sur-Seine en 1920, ils n'eurent pas d'enfants, donc pas de descendance.
C'est pourquoi, descendant de l’un de ses petits-neveux, j'ai entrepris des recherches sur sa vie de soldat ; j’ai constaté qu’il avait été oublié pour l’attribution de la médaille de Verdun qui pour les poilus avait bien plus de valeur que la légion d'honneur ou la médaille militaire.
Verdun, avec la célèbre expression "on ne passe pas" qui est inscrite au dos de la médaille, est le symbole de la résistance de tout un pays. Cela m'a conduit à demander que son nom soit inscrit sur le livre d'or des défenseurs de la ville de Verdun. Et cent ans après je viens de recevoir le diplôme (n° 198141), signé par les présidents de « On ne passe pas » et de « Ceux de Verdun », le président de la Commission du livre d’or et le maire de Verdun, Samuel Hazard, ainsi que sa médaille de Verdun.
Cette médaille attribuée à Camille Chabert nous permet de faire mémoire de tous les combattants qui sont passés à Verdun. Nombreux sont aussi ceux qui y sont restés, comme cet autre poilu de Jaujac, Louis Bardine, mort pour la France, dont le nom est gravé sur le monument aux morts de Jaujac : né le 21 décembre 1881 il est décédé des suites de blessures à Verdun le 9 août 1916 à l’ambulance 3/16. Il est inhumé à la nécropole nationale de Bevaux-près-Verdun (Tombe 2360, Carré10, Rang8).
Dominique Vidal